« On l’a promis le paradis, mais elle a reçu l’enfer ». L'article 26 de la Déclaration des
Droits de l’Homme
stipule que toute personne a droit à l’éducation et que celle-ci doit-être gratuite; au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. Car, l’éducation, voyez-vous, est un outil puissant qui permettrait à des gens économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et d’être des citoyens à part entière. Toutefois, au-delà de l’accessibilité, le droit à l’éducation suppose également la réalisation d'objectifs d'apprentissage déterminés et l'offre d'une éducation de qualité supérieure adaptée aux besoins et capacités de chaque enfant. Ce qui exige, par ailleurs, que les enseignants soient bien outillés au regard des méthodes d’enseignement innovantes alliant les aspects pédagogiques purs à des moyens ludiques afin de susciter l’intérêt des enfants. Mais en Haïti, nous constatons que la majorité des gens reste privée de la possibilité de bien s’éduquer; notamment à cause d'une implication lacunaire et limitée de l’Etat dans la dynamique éducative. Alors, puisque « plaider, c’est bander. Et convaincre, c’est jouir », je voudrais illustrer ma plaidoirie en vous contant l’histoire de cette jeune fille que vous connaissez peut être, si vous vivez réellement en Haïti:
Belle, soucieuse, timide mais curieuse quand il le faut : tels sont les termes qui décrivent le plus fidèlement possible les facettes de sa personnalité.
Elva n’a pas fait d’étude préscolaire. Et par faute de moyens financiers, elle n’est allée à l’école qu’à l’âge de neuf ans. Dès le début, elle eut un choc terrible en devant composer avec une langue dont elle n’avait jamais eu vent auparavant. Cette langue dite officielle, ou encore d’enseignement selon la volonté de l’Etat, n'est autre que le français. Un français qu’elle fut contrainte de maitriser coûte que coûte. Un français entendu pour la première fois de la bouche de professeurs pour beaucoup sans diplôme, ni compétences dans les sciences de l’éducation. Et c’est ce même français-là, verbes mal conjugués, adjectifs mal accordés, syntaxe mal formée, que la petite Elva passera toute son enfance à écouter. De plus, souventes fois, elle a été même livrée à des châtiments corporels, et ceci sans justification valable, quand ses professeurs ne reçoivent pas leur salaire à temps de l’Etat. Ne sont-ce pas là des actes de méchanceté, de violation des droits de la personne humaine ? A cela, je rappelle que l’éducation doit proposer un apprentissage nécessaire qui permet à une personne de développer sa personnalité, son identité ainsi que ses capacités physiques et intellectuelles, et non le contraire.
Cette même Elva, tant bien que mal, est maintenant en classe de Terminale. Tôt déjà, elle commence à s’inquiéter sur son avenir troublant qui se dessine à pas lents. Elle sait bien qu'elle n'a pas pu amasser un fort bagage intellectuel ; et que son niveau de français, qui est perçu comme un critère de compétence dans ce pays, laisse à désirer. Et c’est alors que la nécessité des études universitaires vient faire son entrée. Vu sa situation, Elle n’a qu’une seule chance : l’UEH ou encore l’Université d’Etat d’Haiti. Encore un obstacle qui demande un plus grand effort; un effort de sur-étudiant-haïtien. Car, cette université, voyez-vous, demande à ce qu’on donne le meilleur de soi-même au concours d’admission alors que tout le système éducatif établi par l'Etat haïtien même est en lambeaux de la base à ses niveaux les plus élevés. De fait, ayant échoué au concours, Elva ne reçoit point d’encadrement de la part de l’Etat. Elle est livrée à elle-même telle une retardée intellectuelle irrécupérable.
Grosso modo, le système éducatif haïtien est, je le dis souvent, un mangeur d’enfants, de rêves et d’avenir. Seulement 15% des enfants, généralement issus des écoles congréganistes, adventistes, et j'en passe, reçoivent une éducation de qualité. Fort de cela, Elva sait bien que ses parents n’ont pas les moyens de lui payer des études dans une université privée. Alors que faire? Se prostituer ? Accepter que sa dignité humaine soit bafouée ? Que faire ? Combien de fois n’avait-elle pas rêvé d'être médecin, ingénieure, ambassadrice, ou, mieux encore, une sorte de super défenseure qui sauvera le monde et protègera les faibles ? Je vous le redis, mais cette fois avec plus de certitude et les mots bien en gras: LE SYSTEME
EDUCATIF HAITIEN EST UN MANGEUR DE REVES.
Alors, Je suis donc venu vous passer ce message : « Si nous sommeillons un instant de plus au bord de la médiocrité qui bat la mesure, frémissons de notre réveil ; car, voilà bientôt nos vies menacées quand l’étendard de la révolte des ignorants flottera. Puisque là où règne la médiocrité se développe l’inaptocratie puis l’anarchisme. »
Je suis Elva, l’Etes-vous aussi ? Si oui, je vous recommande d’améliorer la qualité de l’enseignement, de mettre en œuvre un plan de formation des enseignants valablement articulé et d’assurer la gouvernance du système tout en favorisant l’accès pour tous à l’éducation, la bonne, tant pour ce qui concerne les infrastructures, l'organisation et le contenu de la formation. Que l’éducation élève ce pays !
Fredjy, LOUIS.